LES FARIBOLES DE SARKOZY

Publié le par EXCOFFIER

 Éric BESSON

 

Les fariboles

 

de Monsieur Sarkozy

 

« Jacques Chirac raconte des fariboles en promettant d'augmenter toutes les dépenses et de baisser tous les impôts». Nicolas Sarkozy, RMC, 27 Mars 1995

 

  1. Une hausse massive de dépenses non financées

 

Au cours du mois de janvier, Nicolas Sarkozy a multiplié les promesses nouvelles, notamment dans son discours d’investiture (14/01 :2007) et son interview au journal « Le Monde » (23/02/2007) :

 

  • « Créer un droit opposable à la scolarisation des enfants handicapés » : 500 millions d’euros ;
  • « Apporter la caution de l’Etat aux entrepreneurs sans ressources » : 100 millions d’euros
  • « Déduire les intérêts de l'emprunt immobilier du revenu imposable » : 2,5 milliards d’euros ;
  • « Créer une allocation de formation pour les jeunes » : 3 milliards d’euros ;
  • « Créer un prêt à taux zéro pour les jeunes, garanti par l’Etat » : 2 milliards d’euros ;
  • « Étendre le crédit d’impôt recherche » : entre 1 milliard (doublement) et 10 milliards (mesure in extenso) d’euros ;
  • « Abaisser le bouclier fiscal à 50% et déduire de l’ISF les sommes investies dans les PME (jusqu’à 50 000 €) » : 4 milliards d’euros ;

 

En revanche, les mesures d’économies mises en regard sont déjà toutes présentes dans le projet de l’UMP adopté le 26/11/2006 : 

 

·         « le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et l’affectation de la moitié des économies aux fonctionnaires en poste », qui représente une économie budgétaire de 5 milliards d’euros en 2012, est inscrit page 51 : « réduire le nombre d’agents publics en réorganisant les services, car c’est une nécessité pour retrouver des marges de manœuvre en termes de finances publiques et améliorer la rémunération des fonctionnaires. Partager les gains ainsi obtenus entre les agents publics et les pouvoirs publics» ;

 

·         « le resserrement des conditions de versement des minima sociaux », censé permettre à l’État d’économiser 500 millions d’euros par an, est inscrit page 38: « nous demanderons donc à tout bénéficiaire d’un minimum social en âge de travailler d’avoir une activité adaptée à sa situation » ;

 

·         l’institution d’une « franchise sur les actes médicaux», source de 1,25 milliard d’économie, est inscrite page 40 : « nous pensons que l’instauration d’une franchise non remboursable, ni par la sécurité sociale, ni par les assurances complémentaires, de quelques euros par acte de soin, serait plus juste et plus responsabilisante » ;

 

·         « l’alignement des régimes spéciaux sur le régime général des retraites », source de 3 milliards d’économies, est inscrit page 38 : « rééquilibrant les avantages de certains régimes spéciaux au regard de la pénibilité d’autres professions et la réalité de certaines situations (pensions de réversion, retraites de certaines professions non salariées telles que les agriculteurs, les artisans, les commerçants...) ».

 

Les nouvelles promesses du candidat Sarkozy représentent un coût compris entre 13 Mds€ et 23 Mds€, la principale variable de l’écart reposant sur l’évaluation de la mesure « extension du crédit d’impôt recherche ». En retenant pour cette dernière mesure une évaluation réaliste de doublement de son montant actuel (soit un coût supplémentaire pour le budget de l’Etat de +1 Mds€ d’ici 2012), notre hypothèse centrale sur le coût supplémentaire de ces nouvelles annonces correspond à l’hypothèse base de la fourchette mentionnée par l’Institut de l’entreprise, soit +13 Mds€.

 

Pourtant, la droite promet donc de maîtriser la dépense publique, tout comme elle l’avait fait en 2002. Le tableau suivant[1] démontre son peu de crédibilité en la matière :

 

De plus, Nicolas Sarkozy compte deux fois les économies qu’il annonce. Si l’on prend le soin de chiffrer le décalage entre ces deux discours et le projet UMP, la simple variation du poste « dépense » implique un besoin de financement compris de 0,75 point de PIB.

 

Le Parti Socialiste avait estimé jusqu’ici le coût global du projet de l’UMP à 75 milliards d’euros en dépenses brutes et de 53 milliards d’euros en dépenses nettes d’ici 2012, une fois déduites les « économies » promises sur la sphère publique (23 Mds€). Pour le Parti Socialiste, les principaux engagements du projet de l’UMP se répartissaient jusqu’alors comme suit :

 

Avec ces nouvelles dépenses, les nouvelles annonces de Nicolas Sarkozy portent le niveau des dépenses supplémentaires en 2012 à 88 milliards d’euros bruts et 66 milliards d’euros nets.

 

 


  1. Des recettes en baisse : un choix qui cache son nom
  2. a)       Une position sur les prélèvements obligatoires intenable ou dangereuse

 

Dans son interview au journal « Le Monde », Nicolas Sarkozy a pris l’engagement de « réduire de 4 points nos prélèvements obligatoires », ce qui représente une privation volontaire du budget de l’État de 68 milliards d’euros par an.

 

Cette position est clairement intenable. Qui le dit d’ailleurs ? Gilles Carrez[2] : « Nous ne devons pas commettre la même erreur qu’en 2002, à savoir baisser immédiatement l’impôt sans faire en contrepartie les économies correspondantes ». Même si, se voulant optimiste, il ajoute solennellement : « les propositions de Nicolas Sarkozy sur les droits de successions, le bouclier fiscal ou encore l’accession à la propriété coûtent plusieurs milliards d’euros mais elles peuvent être mises en œuvre progressivement en cohérence avec les objectifs d’équilibre fixés pour 2012. » ;

 

Le premier problème pour Nicolas Sarkozy en la matière, c’est sa crédibilité. En effet, et contrairement à ses engagements de 2002, l’actuelle majorité n’a pas diminué le taux de prélèvements obligatoires, mais les a au contraire augmentés de 0,9 point de PIB (de 43,1% à 44% du PIB), soit une augmentation de 16 milliards d’euros depuis 2002. Ils avaient au contraire baissé entre 1998 et 2001.
Source : MINEFI, rapport sur les prélèvements obligatoires pour 2006.

 

Cette augmentation de la pression fiscale ne peut en aucun cas être imputée aux décisions des collectivités locales dont les prélèvements pèsent 5,7% du PIB en 2006, contre 15% à l’Etat et 21,22% à la sécurité sociale. Selon les chiffres publiés par le gouvernement[3], la hausse des prélèvements obligatoires enregistrée en 2005 est imputable pour un tiers seulement aux collectivités (+ 0,3 point de prélèvement obligatoires) . Ce calcul ne tient pas compte des transferts de charge non compensés. Se fondant sur les travaux du « bilan financier de la décentralisation », le gouvernement[4] a du accorder une « rallonge » de 500 millions/an jusqu’en 2008[5]. Surtout, sur la période 2002-2004, on constate que l’augmentation du taux de PO des collectivités locales provient à hauteur de 0,4 point de PIB des transferts de fiscalité. Les hausses touchent toutes les collectivités (+ 4 % en 2006[6], après 4,3% en 2005) pour couvrir le dynamisme des dépenses sociales, y compris de très nombreux conseils généraux UMP (Rhône :+ 8,4 % en 2005 ; Marne : + 12,8 % ; Loir et Cher : + 15 %, …).

 

La question de la baisse des prélèvements obligatoires est à ce point peu crédible à droite, que l’UMP en est déjà à sa troisième version en trois semaines. Qui croire :

 

·         Le projet de l’UMP qui s’engage (page 14) à « réduire d’au moins un point l’écart entre notre taux de prélèvements obligatoires et la moyenne des autres pays de l’Union européenne (qui est aujourd’hui de quatre points) » ?

 

·         François Fillon, Pierre Méhaignerie, Alain Lambert, Eric Woerth, Gilles Carrez et Philippe Marini qui ont pris des distances avec ce texte en indiquant dans le communiqué détaillant le financement de ce même projet que : les « recettes nouvelles n’élèveront pas le niveau général des prélèvements obligatoires » et «  si la croissance, grâce aux réformes entreprises, est supérieure à l’hypothèse de croissance retenue pour établir le présent chiffrage, les marges de manœuvre nouvelles ainsi créées seront consacrées au financement des autres mesures du projet (pour une enveloppe d’environ 10 Mds d’euros) et à la réduction du taux de prélèvements obligatoires (actuellement de 44%), et plus particulièrement la fiscalité pesant sur les entreprises, afin de le rapprocher de la moyenne des pays de l’Union européenne (actuellement de 40%) » ?

 

·         Nicolas Sarkozy qui vient de multiplier cet effort par quatre dans sa récente interview  ?

 

Nicolas Sarkozy se situe dans la lignée des néo-conservateurs américains qui, conscients que l’annonce d’une mise en pièce de l’État providence est impopulaire, ont toujours annoncé des baisses brutales de prélèvements pour imposer par la suite la réduction des dépenses. Qui le dit ? Franck Tapiro, son conseiller en communication : « On a pas besoin de Karcheriser la France, … On a besoin de thatcheriser la France (…) »[7].

 

Une baisse de 4 points des prélèvements obligatoires sur la période 2007-2012 représente (en valeur actualisée 2012) une perte de recettes supplémentaire de 68 Mds€, alors qu’une croissance de 2,25% par an en moyenne ne permet de ne dégager qu’un montant de marges de manœuvre de seulement 45 Mds€ à taux de prélèvements constants. Une conclusion s’impose : la seule baisse  de 4 points du taux de PO, si elle était réalisée, priverait de toute marge de manœuvre la future majorité pour le financement de ses priorités.

 

Avec une croissance annuelle moyenne de 2,25%, cette baisse des prélèvements serait à l’origine de creusement des déficits de l’ordre de 89 milliards d’euros[8] soit 4,3 points de PIB en 2012[9].

 

 

 

b) La fin de l’impôt progressif

 

La France compte trois impôt progressifs : l’impôt sur le revenu, l’impôt de solidarité sur la fortune et l’impôt sur les successions. Nicolas Sarkozy s’attaque aux trois.

 

  • Extension du bouclier fiscal[10] : la prime aux revenus du capital

 

Cette nouvelle mesure abaisse le seuil de 10 points et intègre les prélèvements sociaux à hauteur de 11% du revenu, qui ne sont pas comptés dans le plafond actuel de 60% : elle aboutit à réduire le plafond de 21 points.

 

Pour payer un montant annuel d’impôts qui dépasse 50%, il faut forcement percevoir des revenus du capital ou de la rente. En effet, si l’on soustrait la CSG et la CRDS aux 50%, il reste 39%. Or, le nouveau barème de l’impôt sur le revenu a ramené la tranche marginale à 40%. Avec un taux de l'impôt sur le revenu plafonné à 40 %, l'imposition moyenne des revenus n'atteint en réalité presque jamais 50 %.

 

Les contribuables les plus aisés qui, en plus de la CSG, de la CRDS, des taxes locales (foncière et d’habitation), sont imposables au plus haut taux de l’impôt sur le revenu ne peuvent bénéficier de cette réduction. Il faut vivre de la rente pour en bénéficier : difficile dès lors de prétendre le mettre en place pour faire en sorte « que l’on ne travaille pas pour l’État plus d’un jour sur deux ».

 

 

 

L’impact « social » sera dès lors équivalent à celui de l’actuel bouclier qui coûte 400 millions d’euros et concerne 93 000 contribuables :

 

  • 77.000 contribuables, non soumis à l’ISF, se verront rembourser 50 millions d’euros, soit 650 €/an ;
  • 16.000 contribuables, soumis à l’ISF, se verront rembourser 350 millions d’euros, soit  un peu plus de 20.000 euros/an.
  • Déduction des investissements dans les PME de l’ISF[11] : la mort annoncé de l’ISF

Cette mesure se distingue des autres car il s’agit d’une déduction de l’impôt à payer, et non d’une soustraction à l’assiette taxable : c’est une première. Elle serait donc cumulable avec les exonérations portant sur l’assiette :

             les 750.000 euros de seuil d’entrée ;

 

  • la Loi Dutreil qui permet de déduire du patrimoine imposable de l’ISF tous les investissements dans les PME de moins de 250 salariés ;
  • 100% des actions d’une société dont on est dirigeant si l’on possède au moins 25% des actions ;
  • les œuvres d’art ;
  • 75% des actions conservées plus de six ans dans le cadre d’un pacte d’actionnaire ;
  • 75 % des parts pour les Bois et Forêts ;
  • 20 % de la résidence principale.

 

A qui bénéficie-t-elle ? aux contribuables qui acquittent plus de 50.000 euros d’ISF, et donc qui disposent d’un patrimoine supérieur à 4 millions d’euros. Potentiellement, 95 % des contribuables assujettis à l’ISF (tous les foyers qui paient un ISF inférieur à 50.000 euros/an), soit 430.000 foyers sur les 450.000 contribuables assujettis en 2006. Ces ménages pouvant optimiser cette disposition, tout comme les détenteurs des plus gros patrimoines pour réduire leur ISF, cette proposition réduira de 60% le produit de l’impôt 

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